Le franchissement de seuils dans le capital d’une société cotée entraîne des obligations légales strictes. Les investisseurs doivent être vigilants et se conformer aux règles de transparence pour éviter des sanctions. Décryptage des enjeux et modalités de ces déclarations cruciales pour l’information du marché.

Les seuils de détention soumis à déclaration

La réglementation française impose aux actionnaires de déclarer le franchissement de certains seuils de participation dans les sociétés cotées. Ces seuils sont fixés à 5%, 10%, 15%, 20%, 25%, 30%, 33,33%, 50%, 66,66%, 90% et 95% du capital ou des droits de vote. Dès qu’un investisseur franchit l’un de ces seuils, à la hausse comme à la baisse, il doit en informer la société et l’Autorité des marchés financiers (AMF) dans un délai de 4 jours de bourse. Cette obligation vise à assurer la transparence sur l’actionnariat des sociétés cotées et à prévenir les prises de contrôle rampantes.

Au-delà des seuils légaux, les statuts de la société peuvent prévoir des seuils de déclaration supplémentaires, généralement plus bas (par exemple 1% ou 2%). Ces seuils statutaires doivent être respectés au même titre que les seuils légaux, sous peine de sanctions.

Le contenu et les modalités de la déclaration

La déclaration de franchissement de seuils doit comporter plusieurs informations essentielles : l’identité du déclarant, le nombre total d’actions et de droits de vote détenus, la date du franchissement, les éventuelles intentions de l’actionnaire pour les 6 mois à venir (au-delà de 10%), ainsi que les accords de cession temporaire d’actions. Elle doit être adressée à la société concernée par lettre recommandée avec accusé de réception dans les 4 jours de bourse suivant le franchissement.

Parallèlement, une déclaration doit être envoyée à l’AMF via son extranet ONDE. L’AMF publie ensuite ces informations sur son site internet, assurant ainsi leur diffusion auprès du marché. Pour les franchissements les plus significatifs (au-delà de 50%), une publication dans un journal d’annonces légales peut être requise.

Les sanctions en cas de non-respect

Le non-respect des obligations de déclaration de franchissement de seuils peut entraîner des sanctions importantes. Sur le plan civil, les actions excédant la fraction non déclarée sont privées du droit de vote pour toute assemblée d’actionnaires qui se tiendrait dans les deux ans suivant la régularisation. Cette sanction est automatique et peut avoir des conséquences significatives sur l’influence de l’actionnaire au sein de la société.

Sur le plan administratif, l’AMF peut prononcer des sanctions pécuniaires pouvant aller jusqu’à 100 millions d’euros ou le décuple du montant des profits éventuellement réalisés. Ces sanctions visent à dissuader les comportements contraires à la transparence du marché et à l’égalité d’information entre actionnaires.

Les cas particuliers et exceptions

Certaines situations spécifiques méritent une attention particulière. Ainsi, les franchissements de seuils passifs, résultant par exemple d’une réduction du nombre total de droits de vote de la société, sont soumis aux mêmes obligations de déclaration. De même, les instruments dérivés donnant accès au capital doivent être pris en compte dans le calcul des seuils.

Des exemptions existent néanmoins pour certains acteurs du marché. Les teneurs de marché bénéficient ainsi d’un régime allégé pour les franchissements de seuils inférieurs à 5%, à condition de ne pas intervenir dans la gestion de l’émetteur. Les sociétés de gestion disposent quant à elles d’un régime de déclaration globale pour l’ensemble des fonds qu’elles gèrent.

L’impact sur la stratégie des investisseurs

Les obligations de déclaration de franchissement de seuils ont un impact significatif sur la stratégie des investisseurs, en particulier pour ceux qui souhaitent prendre des participations importantes dans des sociétés cotées. La visibilité induite par ces déclarations peut en effet influencer le cours de bourse et alerter d’autres acteurs du marché.

Certains investisseurs cherchent parfois à contourner ces obligations en restant juste en-dessous des seuils ou en utilisant des instruments financiers complexes. Ces pratiques sont cependant de plus en plus encadrées par la réglementation, qui s’efforce de prendre en compte toutes les formes de détention, directe ou indirecte.

Pour les sociétés cibles, le suivi attentif des déclarations de franchissement de seuils est crucial pour anticiper d’éventuelles évolutions de leur actionnariat et se prémunir contre des prises de contrôle hostiles.

Les obligations de publication d’annonce légale en cas de franchissement de seuils constituent un pilier essentiel de la transparence des marchés financiers. Elles imposent une vigilance constante aux investisseurs et offrent une information précieuse aux autres acteurs du marché. Malgré leur complexité, ces règles contribuent à l’intégrité et à l’efficience des marchés boursiers.